Publié le 23 janvier

Épisode 1. Cyber-harcèlement et Éducation aux médias

Du 22 janvier au 2 février, la metteuse en scène Laure Catherin et le comédien Gaëtan Vettier sont de retour à Maubeuge avec le spectacle Béquille, présenté au sein d’établissements scolaires du Val de Sambre, et des ateliers d’écritures et de jeu avec les élèves. Le Manège inaugure ainsi un programme de lutte contre le cyber-harcèlement et d’éducation aux médias. Entretien.

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Ton spectacle “Béquille / Comment j’ai taillé mon tronc pour en faire des copeaux”, pourquoi ce titre ?
Laure Catherin : Le spectacle tourne autour de la métaphore de la béquille, des stratégies de défense que l’on élabore en grandissant, et que l’on utilise dans certaines situations. La narratrice du spectacle se fabrique sans cesse des béquilles et elle s’imagine dans trente ans juchée sur une montagne de béquilles. L’idée, c’est de prendre de la distance, de changer de perspective et de considérer la montagne de copeaux qu’elle génère en taillant ses béquilles. “Copeaux”, c’est aussi une référence à l’un des personnages, Madame Copeau, institutrice de CE2.

Qui est cette narratrice ? Et pourquoi s’appelle-t-elle Chou-fleur ?
L. C. : Le Chou-fleur, c’est le surnom qu’on lui a donné dans les cours de récré, à cause de sa coupe de cheveux. La narratrice est à l’orée de l’âge adulte et elle prend conscience des schémas de répétition dans lesquels elle est embourbée. Pour changer tout çà, elle se demande ce qu’elle porte déjà en elle comme déterminismes, quelles sont les béquilles sur lesquelles elle a déjà pris l’habitude de s’appuyer, quelles sont les attitudes de protection qu’elle a adoptées face à la vie et qui la définissent déjà.

Quelles sont ces béquilles justement que la narratrice utilise ?
L. C. : Il y a en a deux principalement. Pour faire face à des situations difficiles ou offensantes, la narratrice utilise son imaginaire pour les transformer et les rendre drôles. Elle cherche à voir leur côté absurde pour prendre de la distance, en rire et moins les subir. Son autre béquille, c’est de “lever le menton pour rester digne”, c’est-à-dire faire comme si rien ne l’avait atteinte. Une fois qu’elle a identifié ses béquilles, elle se remémore les situations où elles sont apparues, et quand et comment elle les a utilisé.

Il est question également de harcèlement moral dans le spectacle, tu peux nous en dire plus ?
L. C. : Oui, c’est pour faire face aux situations les plus banales de harcèlement moral que la narratrice utilise ses béquilles. Cela peut commencer avec un proche, quelqu’un dans la famille, ou comme dans le spectacle un ou une prof qui à chaque fois qu’elle la voit lâche une remarque blessante. Le harcèlement moral est une forme de violence gratuite, répétée, qui peut grossir jusqu’à prendre des proportions démesurées. Peu de récits disent comment s’en sortir. Chou-fleur se considère au départ comme quelqu’un de non violent, et s’aperçoit qu’elle a aussi une part de violence en elle, révélée par les situations de harcèlement qu’elle a vécues.

Qu’est-ce qui t’a donné envie de monter ce spectacle, autour de ce sujet ?
L. C. : Le théâtre est un des moyens de sublimer ces situations banales de violence. J’avais envie d’écrire le personnage d’une femme qui raconte ces histoires et la découverte de sa propre part de violence. On a beaucoup de mal, dans notre société, à considérer et à admettre notre propre violence. On est peu encouragé.e à se poser cette question : pourquoi ai-je dérapé ? Qu’est ce que je fais d’une violence que j’ai commis ? Qu’est ce que je fais d’une violence que j’ai reçue, et comment faire pour ne pas la retransmettre ensuite ?

Le harcèlement est vécu douloureusement en milieu scolaire, et ton spectacle s’adresse plus particulièrement aux lycéens et aux jeunes adultes. Pourquoi ?
L. C. : Oui, c’est un moment où la confrontation à l’altérité est encore possible et même obligatoire. L’école concentre des situations de harcèlement moral parce qu’à ce moment là on est en pleine construction. On ne sait pas encore bien qui on est, l’altérité vient nous bousculer et la question des débordements se pose vraiment. Quand on devient adulte, on a un peu plus la possibilité de refermer notre cercle de fréquentations avec des gens qui nous ressemblent pour se sentir moins fragilisé.e.s. Mais cela ne résout évidemment pas le problème. Cette tranche d’âge est donc un moment formidable pour questionner notre rapport à l’altérité et interroger le "vivre ensemble".


Béquille / Comment j’ai taillé mon tronc pour en faire des copeaux
Spectacles et ateliers du 22 janvier au 2 février
Texte, mise en scène et jeu : Laure Catherin
Collaboration artistique et jeu : Gaëtan Vettier

Le texte Béquille / Comment j’ai taillé mon tronc pour en faire des copeaux est lauréat ARTCENA de l’Aide nationale à la création de textes dramatiques.


Source Université Rennes 2